L'organisation du concours

Les avions engagés

Les pilotes engagés

L'Ephéméride du concours

Dans la presse

Après le concours

Autres constructeurs malheureux

Les Résultats

La Revue Aérienne

 Après le concours

 

Les leçons du concours

Le coût

« Tous les journaux ont détaillé complaisamment les gains des vainqueurs et il en est resté dans l'esprit du public que c'était une folle prodigalité de payer des appareils à de tels prix, en raison du précèdent que cela crée. Mais on peut répondre qu'au contraire, le concours militaire, est pour l'Etat une très heureuse opération financière. Car on oublie trop volontiers de faire le total de ce qui a été dépensé par l'ensemble des concurrents pour que quelques-uns d'entre eux seulement soient récompensés.
Négligeons les douzaines d'appareils qui ne sont pas sortis de l'atelier et ne comptons que les trente appareils environ acceptés au concours. Ces engins, pourvus pour la plupart de moteurs coûtant de 20 à 25'000 francs, représentant des mois d'étude et de mise au point, sont revenus au minimum à 50'000 francs chacun. Total un million et demi. Or, l'Etat doit payer:
11 Nieuport: 780’000fr,
6 Deperdussin: 240’000fr.
3 Farman : 160’000fr.
Total: 1’180’000fr.
C'est-à-dire près de 320'000 francs de moins que le prix de revient.
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Et tout compte fait, cela coûte moins à l'Etat que l'achat de deux dirigeables, d’une batterie de 75 ou même que le tiers de l’augmentation que se sont octroyée un jour nos députés! » (L’Aéro.)
Etabli avant la troisième course, le journaliste attribue des commandes à des constructeurs qui in fine n’en bénéficieront pas.

Echec ou réussite ?

Le sénateur-aviateur Reymond estime que les résultats du concours militaire ont été très satisfaisants.
Ce fut à l'unanimité que la commission décida d'homologuer la course de Prévost, déclare le sénateur-aviateur. « Il était difficile, d'ailleurs, qu'il n'en fût pas ainsi. En effet, dès le début, il est un principe qui nous a toujours guidés, c'est
que nous avions surtout «à juger la valeur de l'appareil plus que celle du pilote» Or, il était évident que la quarantaine de mètres que n'avait pas couverts Prévost, ne diminuerait en rien la valeur de l'appareil qui avait accompli le raid imposé de 300 kilomètres. D'ailleurs, de l’avis de tous ceux qui en furent témoins, l'atterrissage était manifestement dû à la volonté du pilote et non à un défaut de l'appareil.
En outre, cette condition de passer au dessus de la ligne d'arrivée avait été imposée par le règlement de la commission, et non par le ministre. Un parcours de 300 kilomètres avait été exigé par lui, pour l'épreuve de vitesse, avec une certaine charge, et c'était tout…
Quand la commission eût fait connaître sa décision, le général Roques nous donna lecture d'une lettre qu'il avait différé de nous faire connaître afin de ne pas nous influencer. Elle était de Breguet. Le constructeur de Douai nous demandait de conserver à Prévost sa place de troisième, car moralement elle était la sienne. C'est là un beau geste, qui ne m'étonne pas de M. Breguet, mais nous a profondément touchés. »
— En définitive, il y a lieu d'être satisfait du concours militaire ?
« Assurément. Il est regrettable que le mauvais temps ait gardé les concurrents si longtemps à Reims. Mais les excellents résultats sont indéniables et il est heureux que monoplans et biplans se soient ainsi qualifiés.

Nous sommes loin, certes, d'avoir obtenu l'aéroplane militaire définitif. Les constructeurs, cet après-midi même, l'ont déclaré. Mais il a fait faire des progrès évidents à l'aviation par l'effort même qu'il impose aux concurrents. Il empêcha l'industrie de l'aviation de s'endormir sur ses lauriers. Il montra, en outre, à certains, qu'ils risquaient en continuant de faire fausse route et il les ramena sur la bonne voie. Tous, aujourd'hui, sont convaincus qu'il leur faut travailler et ils sont résolus à mettre à profit les perfectionnements de détail que provoqua le concours, les idées qu'il leur a suggérées.
Certes, les dépenses occasionnées par cette grande épreuve sont énormes. Mais j'espère, et je ne suis pas le seul, que le gouvernement appréciera le gros effort qu'il a imposé à nos constructeurs et aura à cœur autant qu’il lui sera possible de le faire, de récompenser ceux, quels qu'ils soient, qui tentèrent courageusement de réaliser ce qu'il exigea d'eux ».
La Commission militaire, à l'issue de sa réunion d'hier, a décidé de proposer pour la Légion d'honneur Weymamn, le pilote du rapide monoplan Nieuport classé premier, Maurice Farman, constructeur du biplan bien connu, et les frères Louis et Laurent Séguin, qui ont conçu le merveilleux moteur Gnome. »

Une série d’accidents se sont produits pendant le concours, les uns plus ou moins graves mais pas mortels : Nardini, Beaumont, Leblanc, Colliex, Gougenheim, Vidart, Prévost, Gaubert, Mahieu, Paulhan, Dubreuil, les autres par contre ayant entrainé la mort : un mécanicien Germain Gardes et un homme de piste le soldat Eugène Potin

Le Parquet de Reims a ouvert une information contre l’aviateur comte d'Hespel, pour homicide par imprudence du mécanicien Germain Gardes et contre l'aviateur Prévost pour homicide par imprudence du soldat Eugène Potin.

Deux pilotes ont également trouvé la mort pendant les épreuves : Level et Desparmet.

Sur la plainte de M. Level, une enquête a été également ouverte par le Parquet de Reims sur les causes du décès de son frère. Le moteur du biplan a été mis sous scellés. Il avait en effet été mis en cause dans le récit de l’accident que fit Level.
 « Aucun des récits de l'accident dans lequel l'aviateur René Level trouva la mort n'est exact. Toutes les interviews recueillies à son chevet sont entièrement imaginées l'infortuné Level n'a en effet causé qu'avec des membres de sa famille et voici la narration exacte de sa chute, celle qu'il a faite à son frère, Gaston Level.

Après la panne qui l'avait immobilisé à 15 kilomètres du départ, René Level, pour ne point contrarier le constructeur dont il pilotait les biplans, et bien que peu satisfait du fonctionnement de son moteur, décida de revenir à Bétheny par la voie des airs. Il revenait donc en volant, lorsqu'à 300 mètres de hauteur le moteur se prit à faiblir.
Je dus alors, expliqua Level, couper l'allumage pour descendre en vol plané. A 100 mètres du sol, je fus pris par un remous qui fit incliner l'appareil sur le côté droit. A ce moment j'aperçus devant moi la ligne du chemin de fer, et me rendant compte que je ne pourrais la franchir en vol plané, je remis le contact pour relancer le moteur afin de sauter la voie et les obstacles qui la barraient (les poteaux et les fils télégraphiques) et de rétablir aussi l'équilibre de mon biplan. Le moteur n'obéit malheureusement pas, et je suis venu heurter les porte-fils et cogner dans un poteau. »
(Le Figaro, 16 octobre 1911)

« Hier matin, au cours des épreuves du concours d'aviation militaire, le pilote-mécanicien Desparmet a fait une chute de près de 200 mètres de hauteur et s'est tué. Desparmet était parti vers 7 h. 30, sur monoplan de 140 chevaux, pour effectuer la première épreuve éliminatoire sur le parcours Reims-Montcornet.
Le temps était relativement calme. Un vent du sud-ouest poussait l'appareil.
Desparmet, après avoir passé au-dessus du hameau de Pontgivart, fut pris probablement dans un remous, car on vit tout à coup l'appareil se- redresser et descendre verticalement, en penchant de l'aile droite.
On entendit très nettement le bruit du moteur jusqu'à la chute.
L'appareil tomba dans un fossé, sur la route de Reims à Montcornet.
L'aviateur fut projeté contre l'avant de son appareil, puis jeté sur le sol, à environ cinq mètres de l'aéroplane.
La tête avait porté la première.
Quelques habitants de Pontgivart accourent sur les lieux de l'accident et trouvèrent le pilote inanimé, perdant son sang par la bouche, les oreilles et le nez.
Un docteur appelé ne put que constater le décès.
Desparmet avait la colonne vertébrale brisée, une fracture à la base du crâne, les deux bras et la jambe droite brisés.
Le corps a été transporté à Pontgivart.
L'appareil est complètement détruit.
Jean Desparmet était âgé de vingt ans. »
(Le Figaro, 28 octobre 1911)


La question des trains d’atterrissage.

Dès le début du concours les interrogations se sont tournées vers la conception des trains d’atterrissage du fait des conditions des 3 atterrissages et décollages imposés sur terrains variés.
Plusieurs articles en début de concours en traitent.

« Les roues d'atterrissage
Le problème du départ et de l'atterrissage en terre labourée, avec la charge complète a effrayé un peu quelques constructeurs.
Or, nous avons su, de source on ne peut plus certaine, qu'il ne s'agirait point de la terre argileuse fraîchement retournée, creusée de profonds sillons que l'on était en droit de craindre. On appellera terre labourée un champ hersé et roulé.
Il se trouvera alors que ceux qui ont le moins cherché à résoudre sûrement le problème seront

les plus favorisés puisqu'ils auront moins sacrifié de poids et de résistance à l'avancement.
Aubrun nous disait que les châssis de série des Deperdussin sont assez robustes pour la plupart des terrains.
Paulhan regrette d'avoir mis 8 roues jumelées à son triplan et comme elles sont interchangeables, il va reprendre ses roues simples puisque la difficulté de l'atterrissage en terre labourée est extrêmement réduite par l'interprétation qu'on va en faire.
Le triplan Astra est affligé de roues énormes, qui ont l'aspect encore plus lourd que les roues d'autobus... Cela va sans doute le handicaper autant que cela l'aurait avantagé s'il s'était agi véritablement de terre labourée.
Coanda et le monoplan Antoinette ont dissimulé leurs roues sous des sortes d'enveloppes entoilées très fuselées (2 m. 50 de long pour O m. 50 de large) et qui rappellent un peu l'aspect du « cheval-jupon» des anciennes mascarades. C'est loin d'être joli et nous préférons la tendance de Paulhan, Breguet, Astra, etc. qui se bornent à cacher le rayonnage sous des tôles d'aluminium embouti au lieu de se borner à faire une ouverture pour passer à la main le raccord de la valve. Astra a même poussé le scrupule jusqu'à faire un valvage accessible de l'extérieur.
Mais les plus belles solutions sont à notre avis celles de Blériot. Son 100 HP a simplement des roues un peu plus fortes que celles de série mais triples: le moyeu porte trois collerettes au lieu de deux et un adroit croisillonnement de rayons permet de tenir très solidement 3 jantes.
Le patin arrière est assez bas et les roues avant sont très avancées par rapport au centre de gravité: le bord d'attaque des ailes se trouve décalé de 250 millimètres en arrière de la verticale des axes des roues lorsque la patin arrière repose à terre. Aussi en supposant assez d'adresse à un pilote pour pouvoir atterrir très cabré, il faudrait un bien grand obstacle pour provoquer le capotage.
Et comme les roues sont solides et que la course permise par la suspension par le triangle déformable de Blériot est relativement considérable, il n'y a pas non plus à redouter l'effondrement.
En résumé, Blériot, semble avoir bien des chances pour lui au point de vue atterrissage.
Il a d'excellents pilotes (Leblanc et Conneau) des roues extrêmement robustes et une disposition favorable. »
(A. Odier, L’Aéro, 2 octobre 1911)
Le concours démentira ces propos.


La querelle biplan monoplan ?

Certains commentaires du concours sont directs dans leur critique :
« Le concours de Reims en 1911 fut organisé avec l’intention d’y faire réussir les biplans, plus forts en raison d’une plus grande surface portante.
L’idée d’enlever du poids a incontestablement de la valeur; mais n’y avait-il pas d’abord à exiger des qualités plus militaires, telles que la simplicité, la maniabilité, et surtout l’aptitude à faire campagne. Au reste une surprise était réservée aux organisateurs: les monoplans triomphèrent sans conteste, démontrant que la puissance était aussi de leur côté. Presque chaque jour, pendant la durée de ce concours, la Commission dut en modifier les clauses. On cacha soigneusement les accidents survenus, ainsi que les déconvenues comme atterrissages manqués, etc. On n’avait guère consulté les aviateurs pour organiser ce concours. La dette à payer en est lourde un million et demi, alors que le Parlement, accorde parcimonieusement 4 millions pour l’entretien et l’achat de matériel d’aviation en 1912!
C’est une hérésie de tant prôner ces bolides dangereux, incapables de vol plané, exposés aux coups des appareils plus légers... Ce ne sont pas des machines de combat. Enfin, pour le moment, il n’existe pas de pilotes qui se risqueront sur les monstres acquis par l’Etat à la suite du Concours. Ces engins seront inutilisés. Profitons néanmoins des progrès obtenus dans la puissance des appareils; renforçons certaines parties faibles de nos appareils tout en les allégeant d’ensemble, et transformons en bons 2 places ces triplaces qui n’ont aucune raison d’être.
Les gros appareils du concours de Reims se rapprochent d’un type à venir qui sera l’appareil lanceur de projectiles où il faudra à bord un spécialiste canonnier avec une provision de grenades. Le prix Michelin orientera les recherches dans cette voie, mais sans nier l’avenir de ces aéroplanes canonniers, il y a pour le moment à s’occuper des aéroplanes éclaireurs. L’organisation et l’amélioration de la cavalerie aérienne doit être notre premier souci. Aussitôt après, nous aurons à créer l’artillerie de l’air, beaucoup plus prochaine que l’on ne le pense et dont les avantages seront incalculables ».
(Lieutenant X La Revue de Paris Janvier février 1912)


Concours triomphal

« Le dernier acte du concours d'aéroplane militaire s'est déroulé hier au ministère de la guerre.
Au classement final que l’on trouvera plus loin, figure huit appareils classés.
Qu’ils nous permettent de leur dire à tous: c'est un titre d'honneur et de gloire dont ils peuvent être fiers.
Il y a des vainqueurs et des vaincus comme dans toute lutte; mais pour ceux qui ont vu le formidable effort de tous, l'admiration fait abstraction du classement et n'y voit que la différence des systèmes ou des points de vue où se sont placés les constructeurs.
***
On a dit énormément de mal du concours avant et pendant. Peut-être en dira-t-on après. Nous, nous disons qu'il donne une admirable leçon et qu'il ramène l'aviation dans une voie d'où elle n'aurait pas dû sortir.
Les constructeurs ne peuvent le nier. Les exigences du règlement leur ont inspiré de trouver des solutions à des problèmes qu'ils ne songeaient pas même à se poser. Les conséquences du Concours de Reims se feront sentir sur l'aviation durant toute l'année 1912
Les vaincus ne sont pas ceux qui y perdent le plus et il en est qui sont revenus de Reims si chargés d'idées neuves de conceptions nouvelles qu'ils peuvent rêver déjà d'éclatantes revanches pour l'avenir.
***
La nécessité d'idées directrices n'a jamais été autant démontrée que par ce concours. Personne n'oserait dire aujourd'hui que les appareils du concours ne sont pas supérieurs d'une classe au moins aux autres appareils; c'est donc le concours seul qui leur a valu ce pas en avant.
Ces idées directrices ont toujours manqué à l'aviation qui est allée des épreuves individuelles aux meetings, des meetings aux circuits, au petit bonheur, selon le succès d'un système ou plutôt d'une mode. Le général Brun et ses collaborateurs auront eu l'immense, mérite d'avoir eu l'audace d'enfermer l'aviation anarchique dans des règles déterminées qui pouvaient seules produire des progrès réels.
On prétendit d'abord qu'il ne donnerait pas de résultats, que la réglementation était trop sévère et l'on n'en obtient pas moins ce magnifique résultat de 8 appareils différents au classement final.
Le ministère de la guerre peut être fier du résultat, et surtout, une fois n'est pas coutume, d'avoir devancé les pouvoirs civils et même les initiatives collectives on individuelles.
Rien n'aura manqué à ce concours, ni les éléments contraires, ni les mornes journées de pluie, de tempête, de bourrasques à l'aérodrome, ni les incidents, ni les réclamations entre concurrents, pas même le baptême du sang.
Il se termine en triomphe pour l'aviation française et la dernière journée, celle de l'attribution des places, est marquée par le geste, bien français de notre ami Breguet, réclamant chevaleresquement, la place due à son confrère Deperdussin.
Le général Roques, fidèle au devoir militaire, n'a pas voulu lire la lettre de Breguet avant la décision des juges qui ont donné à Prévost, à l'unanimité la troisième place, mais il la lut ensuite et ce n'en fut que plus émouvant.
Le Concours militaire de Reims domine dès à présent, et de loin, toute l'année 1911.
FAFIOTTE
(L'Aéro, 30 novembre 1911)


Les vainqueurs sont-ils ceux que l’on croit ?

« Quant au résultat positif du concours; c'est une simple affaire d'interprétation. Il est évident que puisqu'on discutait déjà si âprement avant et pendant le concours sur la profondeur du labourage, sur le remplacement des passagers par le lest équivalent, pour gagner sur la résistance à l'avancement, etc., tous ceux qui ne sont pas classés crient maintenant a l'insanité dès résultats et, parmi les vainqueurs, Weymann seul a son éternel sourire, les autres se considèrent comme le vainqueur moral.

Ainsi Savary a réussi toutes les épreuves et a fait un voyage sans histoires avec un moteur d'automobile à peine allégé, les 4 cylindres 70 HP Labor de 100 m/m d'alésage. Il a donc de beaucoup, enlevé le plus de poids utile par cheval. Comme le moteur est l'un des moins, coûteux on peut y voir l'appareil rêvé pour la guerre?
De son coté, Maurice Farman estime que pour un appareil de guerre la régularité et la sécurité priment tout. Or deux appareils se classent sur deux engagés. Deux sur deux, cela fait plus que un sur un comme Nieuport, au sens de la probabilité mathématique.
En outre, les deux Maurice Farman ont fait le parcours dans le même temps à 5 minutes près. Et au lieu de revenir par le train, Renaux et sa femme, accompagnés de Senouque, passager par destination, sont revenus en sportsmen, par la voie des airs. Donc ce qui était peut-être un raid sportif plus ou moins dangereux pour d'autres, n'était pour le Maurice Farman de série qu'une promenade à peine comparable aux étapes du Circuit Européen.
Lui aussi est donc en droit de se considérer comme le vrai gagnant moral.

Quant à Henry Farman, il a réalisé l'appareil à la fois le plus léger et le plus grand. Et il se classe le premier des biplans  .
N'est-il pas en droit de considérer que la clavette qui laissa échapper un des roues de Gougenheim peut influencer peut-être sur le résultat sportif du concours, mais pas sur les conséquences commerciales.

Parlera-t-on du succès de Deperdussin? Nous disons succès, car nous ne croyons pas que l'on doive attacher d'importance à l'erreur de Prévost qui s'est trompé de 30 mètres sur 300 kilomètres ce qui ne représente que... un cent-millième.
Le plus remarquable dans le succès de Prévost, c'est que son appareil est, à très peu près de série. On a simplement changé le 50 HP par un 100.

Breguet a sacrifié des centaines de mille francs pour préparer le concours.
Or, il y a un an il était le seul capable d'oser s'engager: il a réalisé les éliminatoires, il y a 8 mois!
Tout le monde le croyait tenant certain avant le concours et son équipe était vraiment la plus formidable. Seulement, six moteurs différents engendrent six catégories d'ennuis différents.
Le pauvre Moineau a eu beau se déplumer, il ne reste à Breguet que le désagréable souvenir d'avoir tenu le premier un résultat certain, d'avoir collectionné toutes les chances possibles et de se voir finalement souffler le succès par des concurrents inattendus.
Au reste le Breguet a ses qualités; les officiers aiment ses dispositifs pratiques et bien étudiés et, quoiqu'il ne soit pas primé au concours, il est bien certain que l'armée aussi bien que les particuliers lui garderont la haute estime en laquelle le tiennent les techniciens.

Faut-il parler de Voisin?
Avoir établi des engins très habilement résolus, avec des dispositifs nouveaux, orientés tout à fait spécialement en vue du Concours. Avoir des essais de vitesse et de charge autorisant tous les espoirs, puis se battre pendant un mois avec des moteurs rétifs, voilà le rôle éternel de Gabriel Voisin, notre sympathique champion du monde de la déveine.
Il n'en est pas moins indubitable que pour atterrir dans des terres vraiment labourées, c'est le dispositif des Canards qui est assurément le plus sûr et le plus facile à mener. Ceci n'est pas à dédaigner, car tous les aviateurs n'ont pas la virtuosité d'un Weymann ou d'un Prévost.
Quant aux concurrents malheureux, n'ont-ils pas le droit de prétendre que le résultat véritable a été faussé par l'esprit du règlement?
Après avoir été tant de fois à la victoire, est-il possible aux Blériot, Borel-Morane, Hanriot, de se voir éliminés sans crier à l'injustice du sort? Croit-on que le résultat du Concours aura fait baisser d'un point ces appareils bien connus dans l'estime de l'aviation militaire, et en cessera-t-elle les achats?
Au fait, voilà bien le secret du tout du Concours, et c'est d'une... stratégie commerciale... si habile de la part du général Roques, qu'on n'y songe que lorsque tout est terminé.
Le général a obligé les constructeurs à travailler en leur promettant d'énormes primes, et une publicité mondiale. Il leur a demandé des choses fantastiques, de façon à être sûr de ne pas avoir de simples appareils de série. Mais il ne s'est engagé à payer ces primes qu'en commandant un petit nombre d'appareils, encore se réserva-t-il l'option de la fabrication!
De plus le prix élevé de chaque appareil oblige à ne pas lésiner pour tous les perfectionnements.
Enfin, l'obligation de livrer l'appareil type garantit l'uniformité des suivants.
(L’Aéro, 18 novembre 1911)

Programme à venir

« Notre supériorité en matière d'aviation militaire est telle, que nos excellents voisins essaient de se mettre à notre hauteur.
Le danger est signalé par notre éminent, collaborateur M. A. Gervais, sénateur, dans un excellent article publié dans Le Matin, et dont nous reproduisons ci-après les passages essentiels.

Il n'y a plus de doute aujourd'hui: l'Allemagne, fortement impressionnée par les résultats de l'aviation aux dernières grandes manoeuvres, projette de se constituer une flotte d'aéroplanes. Comme son intention d'agir est formelle, notre volonté de progresser, et de progresser vite, doit être sans réserve. Nous avons enregistré, il y a peu de jours, les déclarations du capitaine von Pustau.

« L’infériorité flagrante» qu'il a constatée pour son pays, on veut sans retard la faire disparaître. C'est le prince Henri de Prusse lui-même qui a pris la tête du mouvement. Déjà dans les milieux officiels on prépare un programme qui comporte la création immédiate de plus de mille aéroplanes. On veut en doter à la fois les divisions actives, les places fortes, les ports de guerre; on veut créer pour l'année prochaine des centres d'aviation, des écoles; on veut faire du personnel, du matériel. Des crédits sont envisagés; on parle de demander, pour l'année prochaine, quarante millions destinés à l'achat des appareils. Cette décision nous indique notre devoir. Il faut agir et agir avec résolution.

Nous avons aujourd'hui une avance certaine: personne ne peut nous contester la maîtrise de l'air. Il faut que nous la gardions.
Nous avons pu, avec beaucoup de prudence, par une sage réserve, dissimuler habilement les efforts persévérants que notre administration de la guerre faisait pour constituer, sans éveiller l'attention de nos rivaux, une force inédite. Ce résultat est acquis. Cette méthode nous a rendu de grands services, il serait injuste de le méconnaître, et on doit le dire à l'honneur de ceux qui ont été les bons ouvriers de cette grande tâche. Mais cela, c'est le passé; ce qui importe maintenant, c'est l'avenir.

Il n'y a plus aujourd'hui à jouer au plus fin: il faut jouer au plus fort. Et le plus fort sera celui qui avec les crédits utiles, fera le plus vite la flotte aérienne indispensable. Ce résultat, seuls, si nous faisons ce que nous avons à faire, nous pouvons, dans le moindre délai, l'obtenir. Le moyen, c'est l'argent, les crédits sont insuffisants: il faut les accroître. On a au cours de ces dernières années, et pour ne pas attirer l’éveil, dissimulé les sommes nécessaires dans les chapitres du budget; on les a morcelés, réduits; on a usé surtout des crédits supplémentaires, payant après coup les dépenses déjà faites. C'était un expédient; il était utile; il a rempli son but. Maintenant il faut procéder autrement. »

« Nous avons actuellement une force appréciable, mais elle est beaucoup trop faible. Il faut sans retard la doubler, la tripler, si possible la quadrupler. Cela c’est l’oeuvre du Parlement. Dès maintenant huit millions sont prévus au budget pour l'année 1912. C'est un chiffre tout à fait insuffisant. Il faut que le prochain exercice soit doté d'un crédit beaucoup plus élevé, il faut au moins vingt-quatre millions. C'est donc, au minimum, un nouveau crédit de quinze millions qu'il faut que le Parlement inscrive au budget de la guerre; il faut que cela constitue un chapitre de l'aviation, officiellement institué, qui sera le « budget » de cette admirable puissance.
Il n’y a plus d’hésitations à avoir, de réserve à observer. Il faut, sans défaillance, pour la force de l'armée et la défense de la patrie, faire l'effort qui s'impose. La lutte est ouvertement engagée. Les pouvoirs le Parlement et l'administration de la guerre ont l'impérieux devoir de tout faire, sans marchander et sans attendre, pour que la France recueille le bénéfice glorieux de la science, du dévouement et de l'héroïsme de ses fils valeureux».
(Armée Marine 30 octobre 1911)

 
A l’étranger

La presse ne manque pas de relever que les expériences similaires à l’étranger aboutissent à des échecs retentissants.
« Un Concours militaire manqué
L'épilogue de l'histoire des 125’000 francs de prix, accordés par le Commonwealth Defence Department, à l'inventeur australien de l'appareil vainqueur du concours national vient de prendre fin. Il y avait 45 engagements pour ce concours, qui n'a jamais pu être mis sur pied. Voici comment étaient répartis les engagements: 17 dans le New South Wales, 20 dans la Victoria, 2 dans le Queensland, 2 dans l'Australie du Sud, 3 dans l'Australie de l'ouest et un dans la Tasmanie.
Le rapport démontre qu'aucun appareil n'a été actuellement soumis aux épreuves éliminatoires, et qu'après avoir reculé plusieurs fois la date de clôture dès engagements, l'épreuve a été définitivement abandonnée. On ne pouvait évidemment pas attendre trois ans pour recueillir un engagement, et c'est ainsi que le combat a fini faute de combattants».
(L’Aéro)


Et demain :
Un nouveau concours ?

« Mais il y a une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que, par des perfectionnements progressifs, les aéroplanes arriveront peu à peu à posséder les qualités qui leur manquent, encore aujourd’hui. Toute amélioration dans les moteurs, dans les hélices, dans les formes générales des ailes, du fuselage, et de toutes les parties vitales de l’appareil, se traduira par une surabondance de puissance motrice. Grâce à la souplesse caractéristique de l’aéroplane, on peut utiliser ce surcroît de puissance, soit pour augmenter la vitesse, soit pour gagner de l’altitude, soit pour accroître la capacité de transport. Si l’on adopte ce dernier parti, on pourra embarquer un plus grand nombre de voyageurs ou améliorer leur installation, ou encore augmenter la provision d’huile et d’essence et, par suite, la durée et la longueur du parcours. On peut enfin combiner dans une proportion quelconque, ces différentes améliorations.
Il faut donc s’attendre à voir de jour en jour la distance qui sépare les aéroplanes des dirigeables diminuer, et finir par se réduire à rien. A ce moment on pourra se demander s’il faut toujours maintenir dans notre flotte aérienne des dirigeables coûteux, encombrants et peu maniables. Le moment n’est pas encore venu, mais on s’en rapproche. Le Concours d’aéroplanes militaires annoncé au mois de novembre 1910 et terminé un an plus tard, a provoqué un grand pas dans cette voie. On se souvient que  les conditions principales du programme étaient de présenter des appareils à trois places pouvant transporter une charge utile de 300 kg en exécutant d’une traite un parcours de 300 kilomètres.
Au moment où le programme fut publié, il semblait d’une exécution difficile; quelques spécialistes le déclaraient irréalisable. L’événement a donné raison aux organisateurs du Concours.
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Ainsi, le seul fait d’annoncer, un an à l’avance, que l’administration de la Guerre consacrerait 1 million environ pour récompenser les efforts des constructeurs d’aéroplanes présentant des propriétés déterminées encore irréalisées, fut pleinement couronné de succès, puisque le programme fut intégralement rempli par 8 appareils de modèles différents.
Si l’on veut arriver — et je suis persuadé que la chose est possible et désirable — à posséder un jour des aéroplanes capables de rendre les mêmes services que nos gros dirigeables d’aujourd’hui, il faudrait continuer à orienter les constructeurs dans la voie où l’en s’est engagé à la fin de 1910, et j’avoue que pour mon compte, j’ai été un peu déçu de voir que le Concours de Reims ne serait pas immédiatement suivi d’un concours analogue. Je suis convaincu qu’on aurait pu arriver à 400 kilomètres avec quatre voyageurs et 400 kg. de poids utile. En continuant chaque année un effort du même genre, on serait parvenu en trois ou quatre étapes aux résultats désirés.
Tout le monde en semblait convaincu. Il y a un an, on se disait: les dirigeables seront rattrapés par les aéroplanes. Au point de vue technique, c’est une opinion parfaitement soutenable; je ne la partage peut-être pas absolument, car je suis persuadé que l’atmosphère est assez vaste pour contenir des aéronefs de toute espèce qui auront toujours un rôle utile à jouer. Mais je suis convaincu que, par des progrès analogues à ceux qu’on a obtenus au Concours militaire de Reims, les aéroplanes pourront un jour servir de succédanés, aux gros dirigeables.
Si l’on avait cette conviction, la conduite à tenir aurait dû être la suivante : continuer chaque année à provoquer par des épreuves analogues au concours de 1910-1911, les progrès des aéroplanes dans la voie désirée, et, en attendant, conserver et entretenir notre flotte de dirigeables jusqu’à ce que les aéroplanes soient arrivés au degré de perfection voulu.
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Mais si l’on était si convaincu à la fin de 1910 que les dirigeables avaient fait leur temps, on semble aujourd’hui persuadé que les aéroplanes n’arriveront jamais à les égaler; en effet, malgré les résultats remarquables du Concours de Reims, on cesse d’encourager leurs progrès dans la voie indiquée. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, il est encore temps d’élaborer le programme d’un nouveau concours et de faire franchir ainsi aux aéroplanes une nouvelle étape. On aura perdu quelques mois, car, à mon avis, c’est le lendemain de la clôture des épreuves de Reims, c’est-à-dire vers le 1er décembre 1911 que le programme du concours nouveau aurait dû paraitre.
Si le Concours de l’année dernière n’a pas amené encore les aéroplanes à être équivalents aux dirigeables, il a abouti à la création d’engins possédant déjà un rayon d’action et une puissance de transport respectables, et susceptibles dans bien des cas, de rendre d’excellents services ».
Commandant Paul Renard. (Revue politique et parlementaire, 1912)
 

Et demain :
Le rêve de Jules Verne est près d'être réalisé.

« Maintenant que le concours militaire de Reims est terminé, les constructeurs tournent leurs efforts sur la conception d'un dispositif pour le lancement de bombes, en vue du prix Aéro-Cible Michelin.
Maurice Farman, entre autres, étudie la question depuis de longs mois et nous croyons même savoir que le sympathique constructeur a trouvé l'instrument rêvé…
D'autre part, Léon Morane, en collaboration avec l'ingénieur Saulnier a l'intention de munir d'un dispositif ingénieux son nouveau monoplan. Tous les constructeurs français travaillent d'ailleurs, avec énergie à la solution de ce problème. Mais les autres puissances travaillent également au perfectionnement d'un appareil permettant aux officiers aviateurs de lancer avec précision des projectiles sur les troupes ennemies.

Nous avons aujourd'hui même dans nos murs, un officier de la marine américaine qui a inventé un lance-bombe aérien.
Nous arrivons ainsi à la conception de l'unité de combat aérienne.
Aux Etats-Unis où le problème de l'aviation militaire a été très poussé par la marine, de nombreux concours semblables à celui fondé par MM Michelin, ont été créés.
Le lieutenant de vaisseau Riley F. Scott qui est notre hôte actuel, a visité plusieurs de nos constructeurs, mais comme il ne possédait pas d'appareil monté nous n'avons vu que le dispositif dans un bureau. Il se compose de supports placé sous l'appareil et portant des bombes aériennes.
Ces projectiles ont une flèche à l'arrière qui guide leur trajectoire. La lunette de visée du «tireur» oscille sur un cadran gradué suivant l'altitude de l'appareil et sa vitesse.
Au moment où le but apparaît dans le viseur, on appuie sur un déclic, et la bombe lancée doit tomber sur le but, sa trajectoire allant y couper la ligne de visée.
On voit que nous ne sommes pas loin de réaliser le rêve de Jules Verne. »
Frank Hewarston. (L’Aéro)

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