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Reymond Emile


Né le: 1865
Mort le: 1914
Profession avant la mobilisation:
Passé à l'aviation le:
Brevet militaire le:
Parcours:
Affectations:
Pilote

[ Biographie] [ Campagne 1914 ] [ Journal du Dr Reymond ] [Citation ][JMO du 367ème RI] [Tableau d'honneur]


Rey Pierre  Rey Pierre

 Retour Dr ReymondBiographie

 Emile REYMOND (1865-1914)
reymond emile
Emile Reymond est né le 2 avril 1865 à Tarbes
(Hautes-Pyrénées). Fils de Francisque Reymond, député, puis sénateur de la Loire, ami de Waldeck-Rousseau, Emile Reymond fait ses humanités aux lycées Condorcet et Henri IV à Paris.
Externe, puis interne des hôpitaux de Paris (1891), docteur en médecine (1895) et chef de clinique à la Faculté où il collabore avec le professeur Terrier, le docteur Emile Reymond se créa rapidement une belle notoriété. Lauréat de l’Institut, de la Faculté de médecine, de l’Assistance publique, il devient chirurgien de l’hôpital de Sèvres, puis, à partir de 1903, de la Maison départementale de Nanterre où son service est l’un des plus importants de la région parisienne.

 

Le 27 août 1905, il succède à son père décédé, au fauteuil que celui-ci occupait au Sénat et s’inscrit à la gauche républicaine. Il intervient avec la pertinence que lui confère sa propre expérience sur les différents sujets concernant la santé publique.
Mais c’est à son soutien à l’aviation naissante, dont il pressent le rôle dans la défense nationale, qu’il apporte le meilleur de son action.
Passionné d’aéronautique, il passe brillamment, le 19 août 1910, son brevet de pilote, et fait alors de nombreuses randonnées en avion à travers la France, voire une exploration du Sahara ; et même, en 1912, la première tournée électorale en avion Déjà vice-président du groupe de l’aviation du Sénat, il prend la tête, cette même année 1912, du Comité national de l’aviation militaire, puis, en 1914, il entre au Conseil supérieur d’aérostation militaire.

C’est cette passion des choses de l’air, associée à un patriotisme ardent qui le conduisent, soit à l’occasion du vote du budget, soit à celles d’interpellations retentissantes, à dénoncer notre retard face aux progrès de l’aéronautique
allemande et à préconiser la création d’une véritable arme “ de l’aéronautique. Sans réussir à vaincre l’esprit conservateur de l’armée qui ne voit dans l’aviation qu’un “ service complémentaire aux besoins de l’observation de l’artillerie ou des nécessités du génie, Emile Reymond aura quand même la satisfaction d’avoir à présenter, peu avant la guerre, l’avis favorable de la commission des armées, à la création, au ministère de la Guerre, d’une direction de l’aéronautique.
 L’ouverture des hostilités avec l’Allemagne lui donne l’occasion de prêcher l’exemple. Affecté comme médecin- major de 1ère classe au service de santé, il insiste tant pour rejoindre un corps d’aviateurs sur la ligne de feu, qu’il obtient de servir comme observateur en aéroplane dans une escadrille de l’armée de l’Est. II reçoit une première citation le 9 octobre 1914.
Le 21 octobre, accomplissant une reconnaissance aérienne, à très basse altitude, au-dessus des lignes allemandes, son appareil est touché et lui-même grièvement blessé par une balle qui lui perfore reins et intestins. Il réussit néanmoins à faire atterrir son avion entre les lignes allemandes et françaises.
Un combat sanglant se déroule quatre heures durant autour de la machine, tandis qu’il fait le mort. Puis la nuit, en dépit de ses blessures et de son âge, il parvient à se dégager de l’appareil et à gagner, en rampant, les lignes françaises. Conduit à l’hôpital de Toul, il communique avec précision, avant de mourir, le 22 octobre 1914, les résultats de sa mission. Son général lui épingle, sur son lit de mort, la Croix de la Légion d’honneur.

 

Le 22 décembre 1914, le président Antonin Dubost prononce son éloge funèbre
“... Emile Reymond portait sur sa physionomie comme une sorte de prédestination aux actions grandes et passionnées. Son immense front, ses yeux ardents dans sa pâle figure rayonnaient, et son maigre corps semblait réduit au minimum pour sa vie physique et consumé par une intense flamme intérieure...
Et c’est en planant sur ces ailes par lesquelles il voulait la France victorieuse que ce Français passionné reçut la blessure dont il ne se laissa mourir qu’après avoir rempli jusqu’au bout la consigne dont il était chargé. Cruelle, mais admirable fatalité et dont il ne voudrait pas être plaint, car, s’il mourait de son vol héroïque, il avait pu, tout au moins, l’un des premiers contempler la plaine d’Alsace retrouvée, ses clochers et l’imprescriptible frontière! Avec lui, messieurs, élevons nos âmes vers les plus hautes pensées, et fortifions-nous pour les plus extrêmes devoirs, car le succès ne se donne point au seul espoir, mais aux volontés conscientes de ses difficultés!
“Le Sénat décide d’ériger un buste dans sa galerie pour perpétuer l’image du sénateur Emile Reymond qui illustra la science chirurgicale, honora la tribune du Sénat, contribua plus que tout autre à la
création et au développement de l’aviation militaire et, victime de son héroïsme, tomba glorieusement en survolant les armées ennemies.
Le même jour, le président fit part de la communication d’une lettre du ministre de la guerre transmettant le rapport officiel relatant les circonstances dans lesquelles M. le sénateur Emile Reymond a trouvé la mort
 

Retour Dr ReymondCampagne 1914

Général Dubail extraits de "Journal de Campagne T1 p 194-198": 
22 octobre. On me rend compte d'un malheureux accident survenu hier au sénateur Raymond, médecin major de 1ère classe de réserve, aviateur audacieux et d'une bravoure à toute épreuve, qui m'avait déjà rendu les plus grands services. Hier, vers 15 h 30, on a vu son avion descendre en rasant les arbres de Mortmare, entre les deux lignes de combat adverses.
Les allemands étaient aussitôt sortis du bois pour se jeter sur les aviateurs, mais nous avions ouvert le feu et fait reculer l'ennemi. Peu après,  on avait pu, grâce à l'obscurité, s'approcher de l'avion et recueillir le mécanicien et le docteur Reymond. Le premier, l'adjudant du génie Clamadieu, était mort; le docteur Reymond vivait encore avec une balle dans les reins. pendant la nuit il était évacué sur Toul. Son premier soin avait été malgré ses souffrances, de donner le compte rendu  de sa reconnaissance (nombreux trains en marche de Pagny-sur-Moselle vers Metz et, sur la route, convois de 4 kilomètres de longueur dans la même direction).

Je demande par télégramme la croix de chevalier pour ces deux braves: fasse le ciel que le docteur Reymond nous soit conservé! [...]

A 9 heures, j'ai la satisfaction d'attacher la croix de la légion d'honneur sur la poitrine du docteur Reymond. Je lui donne l'accolade sur son lit d'hôpital. Il soufre beaucoup , mais il a gardé toute sa connaissance. Il est hélas ! bien touché; j'ai peine à le reconnaître tellement il a changé en quelques heures [...]On me téléphone de Toul, un instant après  (16 heures), la mort du sénateur Reymond. J'en suis tout ému et je déplore la perte que font  en lui l'aviation et l'armée. Ce sont les plus braves qui disparaissent. En rentrant à Toul, où je quitte les membres du gouvernement (Briand et Sarraul en visite à Gironville), j'envoie le capitaine Dussauge à Noviant-aux-près déposer la croix de la Légion d'honneur sur le corps de l'adjudant Clamadieu l'héroïque pilote du Docteur Reymond.
Carnet de guerre paru dans Le Figaro, 12 et  13 janvier 1916

Retour Dr ReymondJournal du Dr Reymond
 
Lorsqu’on parle en France de l’aviation, pour se réjouir des services rendus, des exploits accomplis, ou pour déplorer la façon dont elle est organisée, administrée, on s’accorde unanimement avec cette phrase glorieuse et cruelle « Ah ! Si Reymond était là ! »
Dans les discussions qui se prolongent au Parlement et qui ont un écho dans le pays une voix s’élève ici qu’on n’avait pas entendue depuis les prophétiques interpellations du Sénat. Le Docteur Emile Reymond vient servir à nouveau son pays auquel il donna sa vie. A ceux qui parlent, il propose encore une fois l’exemple de son action. Qu’on lise son journal, écrit au jour le jour depuis el 10 août 1914, où il rallia son escadrille, jusqu’au 21 octobre, où il tomba au champ d’honneur.
Le Figaro a l’honneur de publier ces pages qui ajouteront é la gloire  de l’apôtre de l’aviation française. Elles sont extraites du cahier que possède Madame Emile Reymond et qui ne pourra être publié intégralement qu’après la guerre. Car celui qui écrivait avant sa mort à un ami –« J’apprends beaucoup et je me réjouis de ne m’être laissé empaperassé dans aucun état-major », avait le droit de critiquer, de protester contre les défaillances, de déplorer l’état dans lequel il trouvait l’arme qu’il avait voulu assurer à la France. On ne trouvera donc ici que e récit familier de sa vie au camp, de son service. En même temps que la vertu du citoyen apparaît à la simplicité du récit, on admire l’application, le zèle du soldat. Et l’artiste se trahit, traçant en deux traits un tableau qui reste gravé dans les yeux.
Parfois un mot suffit à rappeler le chirurgien : « Rien à faire à cause du vent. Je vais à l’hôpital ».
A cet exemple de dévouement si complet, si simple, si naturel, ion pense au journal du Capitaine Scott.
Nous ne nous sommes permis d’ajouter à ces fragments du journal d’Emile Reymond que deux textes qui confirment sa véracité : les deux textes de ses citations à l’ordre du jour de l’armée. Régis Guignoux
 

Lundi 10 août 1914 –En déjeunant les officies aviateurs ont parlé de l’exploit de D…, un «exhibitionniste », un « farceur » qui s’amuse à passer à un mètre au dessus des toits des maisons.
Tout à l’heure, D… dont je ne me souvenais pas, est venu me raconter son aventure : il était accompagné de M… mon petit mécanicien que je ne prévoyais pas devoir jamais être à pareille fête. Boussole mauvaise, nuages bas et, à un moment donné, grand fleuve que D… cherche en vain sur sa carte au 200.000è de Vesoul. C’est le Rhin ! D… a l’impression de s’être bien perdu. Une ville, il descend, arrête, coupe l’allumage, sort de l’appareil. Le premier habitant lui dit qu’il est à Mulhouse. D… remonte. M… lance l’hélice et grimpe. L’appareil s’élevant les soldats qui montaient la garde à coté se seraient couchés à terre. On ne tire pas de Mulhouse. On fusille d’Altkirch par peloton et à volonté, à coup de canon et mitrailleuses tirant de clochers. En tout trois balles dans l’appareil.
Mercredi 12 août. –C’est justement l’appareil de D… que l’on me confie.
15août –Des cloches, de gros nuages. Une ville paisible, Par ma fenêtre le jardin mouillé et tiède ; un grand repos, Un ronflement lointain. Un avion au ras des nuages passe comme un bourdon.
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20 août –La canonnade est continue et se rapproche. Une batterie nous croise en sens inverse. Au lieutenant en premier B… demande »Pourquoi changez-vous de position ? –Parce qu’un avion allemand a passé sur nous. Nous sommes repérés, grâce à sa télégraphie sans fil : nous n’avons plus qu’à changer nos positions. »
H… une batterie encore muette, au nord du village. Derrière chaque maison les habitants sont groupés prêts à fuir avec les objets indispensables : les enfants jouent encore dans le ruisseau.
22 août –Essai d’appareil avec passager et le plein : numéro 246. Peut monter à 2.000 mètres en 50 minutes.
23 août –Je conduis le 246 à Belfort avec L… Mécanicien comme passager. Au moment de partir G… mon mécanicien arrive muni d’un Lebel et d’une baïonnette. J’ai toutes les peines du monde à le munir d’un simple mousqueton plus portatif.
26 août –Très belle reconnaissance. Partis les 3èmes nous rattrapons B qui tenait la tête. Dans les nuages nous le grattons à 50 mètres de distance. Je lui montre combien il m’est facile de le mettre en joue avec ma carte. Comme il a oublié la sienne il croit simplement que je me moque de lui.
30 août –Forêt d’A… dont le nord est toujours entouré de tranchées que tiennent nos troupes. De ces tranchées on voit en face les tranchées allemandes où rien ne bouge. Plus loin se découpant sur le ciel quelques patrouilles  de hulans.
1er septembre –Exploration pilotée par de L… jusqu’à L…en traversant la forêt de CH…Gerbevillers flambe toujours, le fort de M… éteint. Est-il pris ?
Du bois de Ch… on nous canarde. Ce sont des français. De la forêt de M… occupée par les allemands, pas un coup de feu. Que les français tirent sur les français je n’y voie pas d’inconvénient puisqu’ils ne les atteignent pas ; mais qu’ils tirent sur les avions allemands c’est très regrettable puisque c’est ainsi qu’ils leur apprennent que le bois est occupé par eux.
Atterrissage. Après déjeuner on rejoint en auto la batterie de C… Essais de réglage de tir. Fusées pour réglage. Virage du coté de l’erreur de direction.
3 septembre –J’apporte à l’escadrille le relevé des batteries occupées entre B… et R…Ce relevé est superposable à celui qu’ils ont obtenu par reconnaissance d’avions de batteries occupées ou abandonnées.
4 septembre –A l’arsenal j’ai été étudier l’avion allemand qui paraît être un aviatik mais qui a un moteur Mercédès au lieu d’un Argus comme ceux de Mulhouse.
5 septembre –En arrivant sur le terrain d’atterrissage, accident de T… glissade sur l’aile, a voulu piquer, n’a pas eu le temps de se redresser. T… meurt presque aussitôt après avoir àtà retiré des débris. Symptômes de compression du bulbe. Trois chiffons bleu blanc rouge sur le corps. Figure très calme.
C’est l’après-midi à 15h. ½ que nous partons (de L… pilote) du champ d’atterrissage pour une reconnaissance armée sur B…et d’autres lieux. Ne heure avant d’atteindre 1800 mètres, je m’impatient et voudrais franchir la ligne de feu. De L… grimpe toujours et il a raison.
La vallée de la Mortagne nous appartient toujours, mais les villages n’existent plus. Gerbeviller apparaît de loin comme une belle ville orientale : des maisons blanches, des terrasses plus sombres. En approchant on reconnaît une ville incendiée. Tous les toits manquent sauf deux dont la taches rouge déplait.
Lunéville, et l’on remonte la vallée de la Meurthe qui, elle, est toute occupée par les Allemands.
A Saint-C… on vire au nord. On trouve la forêt de…on gagne la vallée de la V…que l’on remonte. Bl… est presque vide.
C’est en le survolant que nous voyons un premier aviatik marchant en sens inverse gagnant en hauteur. Il est à notre gauche. Je tire de l’épaule droite, visant bien le pilote. L’appareil pique et descend. Il n’a eu que peur.
De L… me tire par la manche. A droite, beaucoup plus près, presque à même hauteur, un autre avion allemand court sur nous et se rapproche. J’épaule à gauche et vise au milieu de l’hélice. Le coup rate. Je ne prends pas le temps de regarder ce qu’a le mousqueton. Je sors mon revolver de sa gaine et vise avec soin. Etant donné la situation du pilote dans l’aviatik, il ne pourrait tirer qu’à travers son hélice. Je le laisse donc approcher. A 80 mètres environ je décharge les six coups bien en ligne. L’appareil pique et vire brusquement.
C’est à ce moment que nous entendons une détonation formidable en arrière. Je me retourne. Eclatement d’obus en arrière et un peu à droite. De L… perd de la hauteur pour gagner de vitesse et s’engage sur la forêt du Grand R… ; 24 coups de canon, 24 éclats d’obus à bonne hauteur, mais en arrière et un peu à droite. Chacun est une belle étoile rouge se transformant en boule de fumée. L’ensemble est un chapelet très régulier qui nous suit.
Les canons droits que je n’ai pu voir devaient être dans les environs de N…-M…
On rentre. A r…l’E…, sur un groupement d’infanterie, je laisse choir une bombe.
7 septembre –Jolie promenade à cheval avec un lieutenant de dragons. A trosi heurs je dois partir avec de L…
Je suis revenu de mon excursion et j’ai bien cru que nous n’en reviendrions pas. Pour gagner de la hauteur, de L… a remonté la Moselle jusqu’à R…, puis la Moselette jusqu’au desus des lacs de G… Nous étions à 2.400 mètres –heureusement- et je distribuais pacifiquement des bulletins annonçant aux troupes allemandes que les trois nations alliées ne feraient le paix que d’un commun accord (décision de Londres traduite n allemand).
De F… montent jusqu’à nous des colonnes de fumée de maisons en flammes. A gauche Saint-L… C’est dans le fond de cette vallée que meurent sans secours les blessés français et allemands. Depuis six jours, quand nos ambulanciers y descendent, les allemands tirent sur eux ; nous tirons de même sur les ambulanciers allemands. Chacun reste maintenant chez soi y compris les blessés.
[On se souvient que le docteur Reymond avait préconisé l’aéroplane comme moyen de retrouver les blessés et qu’il fit aux grandes manœuvres de 1912, sur son appareil, des exercices de démonstration très concluants]
Donc, vallée de la Meurthe, puis un virage à droite et, sans s’en douter, de L…nous conduit à la nuit tombante sur Badonvilliers où il s’était promis de ne pas repasser. Immédiatement les obus éclatent sur nous, un peu bas, mais bien en direction. Tous me semblent à gauche et je devais ensuite constater que le seul qui nous ait atteint avait éclaté à droite. Trente-huit obus, un toutes les 20 secondes. Il n’est pas possible que le canon reste en place. C‘est alors que je constatais que nous volons le long de la route de B… et que le canon monté sur auto nous court après tout en tirant. Je fais faire un virage à droite et c’est à ce moment que j’entends un choc au dessous de moi : une balle dans le réservoir à essence arrière, comme je devais le constater à notre arrivée.
A ce moment devant moi de grands étangs. Ils ne correspondent à rien de ce que j’ai sur ma carte. Celle-ci s’arrête en effet à R…au dessus des Vosges. De L… ne cesse de se retourner pour me dire qu’l ne sait plus du tout où il est. Je ne distingue plus l’endroit où le soleil s’est couché. Je ne vois pas la boussole. Je ne lis plus ma carte. Je vois seulement à ma montre qu’il est six heures et demie. Il y a donc deux heures que nous volons et nous n’avons ris d’essence que pour deux heures.
J’indique à de L… ce que je crois être le sud-ouest. C’est la seule chance quand va se produire la panne d’essence, de descendre en dehors des lignes allemandes. Mais au-dessous de moi les points rouges indiquent assez qu’in continue à nous tirer dessus
Le sol devient de plus en plus obscur. Cependant une tache plus claire, un fort abandonné. J’ai vu cette tache déjà. C’est M… Au devant une autre tache : le terrain de manœuvre de L… On peut s’orienter, d’autant plus que la Moselle met là-bas des taches lumineuses.
En route pour Epinal avec l’espoir que la lune va se lever ; elle ne se lève pas et le temps passe lentement. Enfin une lueur à l’horizon. Trois mèches rouges sur le terrain. Atterrissage. Encore deux litres d’essence et un litre d’huile
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11 septembre –Rien à faire pour moi aujourd’hui. D’ailleurs les pilotes commandés ne partent pas à cause du vent. Je vais à l’hôpital.
A sept heures, nouvelles de la grande victoire. Le diner se passe à chanter victoire et à faire des projets. Vaut-il mieux investir ou ne pas investir Strasbourg ?
Pourvu que demain soit digne d’aujourd’hui.

12 septembre –La nouvelle s’est répandue dans toutes les lignes allemandes : ils connaissent leur défaire. Ils vont se retirer avec armes et bagages, oubliant même beaucoup d’entre ceux-là.
Pour cacher leur départ, les Allemands ont forcé les habitants à rester sous terre. A D… ils ont dit : « Vous allez rester dans vos caves et vous n’en sortirez pas avant dix heures du matin. Si vous en sortez, vous subirez le même traitement que cette femme ».Et ils ont fusillé la femme.
Quand les habitants ont, le lendemain, peureusement quitté leurs caves, D… était depuis longtemps vide d’Allemands, sans qu’on sache quel chemin ils avaient pris.
C’était le moment de mettre en œuvre toute l’aviation, de courir après toutes les colonnes, de les suivre, d’étudier les points de ralliements et les gares d’embarquement, la direction des trains.
Mais…
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Nous sommes partis à 9 heures avec le commandant G… en auto pour R… et au-delà sur la route de B…
Bois d'A…, haché, bouleversé, traversé en tous sens de tranchées, parsemés d’abris ou les soldats ont vécu des semaines. De beaux arbres coupés par les obus.
A la lisière du bois, un triste spectacle. A gauche de la route, le long des tranchées à peine commencées, culottes rouges et tuniques bleues qu’in a peine à reconnaître appartenir à des soldats français tant le cadavre, datant de huit jours,  peut être, est misérable, rabougri, momifié.
A droite une batterie française clouée sur place. Pas une pièce n’a été sauvée. Le capitaine, mort à son poste, un certain nombre de servants de même. Tout cela datant de huit jours, et malgré la teinte noire des cadavres paraissant garder l’impression du dernier geste.
M… village détruit par nos obus. Sur la route des piétons angoissés regagnent leur maisons dont ils ne retrouveront que des ruines ;d des chars lorrains chargés des familles, aux traits ravagés, maigris, au teint jaune et fiévreux. Dans chaque char un entassement de vieillards, d’enfants de brebis  ou de veaux.  Ils viennent des villages voisins, des bois. Ils comptent retrouver leur abri, mais pour combien de temps ? Les prussiens reviendront-ils ? Ils en ont la triste expérience.
Pour l’instant l’ennemi paraît bien en retraite. Quelques trainards sont faits prisonniers. Une patrouille française vient d’en cueillir quelques uns. En voici un autre qui fuit de notre coté. Nous lui barrons la route en lui criant de se rendre. Il reprend sa course en sens inverse, tombe sur trois chasseurs à pied , regagne le bois avec la vitesse de la bête aux abois et qui se sent traquée. Dans le bois es coups de fusil se rapprochent, la bête est forcée : un grand Badois au front rouge, aux jambes immenses. B…, des cris, des applaudissements. Nous sommes les premiers officiers français qu’on ait vus depuis longtemps. Notre auto est pavoisée de fleures par les enfants et les femmes. Comment pouvait-il rester autant de fleurs dans ce pauvre pays ?
En revenant nous étudions es batteries de B… et Ste B…Je les ai assez étudiées de haut pour les voir de près. A quatre heures nous sommes à R… et cherchons en vain un déjeuner tardif. Dans la ville tout est clos, détruit par les obus ; pillé par els soldats. Un boulanger nous donne un pain ; notre chauffeur a une boite de sardines.
En passant par B… nous constatons que pas une reconnaissance n’a eu lieu. Le commandant est furieux. Ce n’est pas trop tôt.

Retour Dr Reymond  Journal de marche et d'opérations (JMO) du 367ème régiment d'infanterie.

Le 21 octobre 1914 - Vers 16 heures, un avion français, type Blériot survolant les environs du bois de Mort Mare descendit tout à coup en vol plané et atterrit entre la lisière sud du bois de Mort Mare à 50 m environ de celle-ci et la lisière nord du petit bois de sapins.
Dès que cet avion s’approcha de terre, un violent tir d’infanterie et de mitrailleuses allemandes l’accueillit. Le feu ayant cessé, un caporal envoyé par la Capitaine Heurtel qui occupait une tranchée voisine du lieu de l’accident, ne put s’approcher qu’à environ 40 m de l’avion, ayant été arrêté par une fusillade nourrie. Il fit différents appels qui restèrent sans réponse Aucun Allemand ne sortit du bois à ce moment.
Vers 19 h, des brancardiers sont allés relever les corps des aviateurs, le sergent pilote tué et l’observateur Reymond blessé. Vers la même heure, le sous-lieutenant Houssin avec les sapeurs du régiments alla chercher l’aéroplane qui fut ramené à Limey après avoir essuyé de nombreux coups de feu.

Le 22 octobre 1914 - Les troupes conservent leurs positions dans les tranchées. Quelques coups de canons sont de temps en temps échangés. A 19 heures, les troupes reçoivent l’ordre d’occuper les positions qu’elles occupaient avant l’attaque du 21.

Les 23 octobre 1914 - Les troupes de 1ère ligne, occupant les tranchées, reçoivent l’ordre de faire une attaque simulée sans quitter leurs tranchées. Cette attaque par le feu ayant pour but d’attirer l’ennemi à la lisière du bois pour permettre à l’artillerie de faire un tir efficace sur les défenseurs de Mort Mare. Ripostant aux feux de notre artillerie, l’ennemi bombarde Limey de 21 h à 22h30.
Alerte à 21 h00. Les compagnies prennent leurs positions de combat.

1ère ligne :
- 23 - Tranchées d’Ansoncourt.
- 24 - Tranchées de Mort Mare.

2ème ligne :
- 21 - Réduit du château.
- 22 - Issues ouest de Limey.

La première ligne ouvre le feu, deux paquets de cartouches par hommes en un feu à répétition de 5 cartouches à 800 m – 5 cartouches à 1000 m – 6 cartouches à 1200 m. L’ennemi riposte par un feu nourri jusqu’à 22h, plus lent jusqu’à 23h. Le reste de la nuit, des fusées éclairantes tombent devant les tranchées, mais l’ennemi ne reprend pas le feu. Aucun blessé

24 octobre 1914 – Journée assez calme. 50 obus environ tombent sur le village.

25 octobre 1914 – Violent bombardement toute la journée. On a compté dans une heure 70 obus. Aucun blessé dans le régiment. Un sapeur du génie blessé.

27 octobre 1914 – Le régiment, reçoit d’un aéroplane de la 9 ème escadrille survolant Manonville, un bouquet auquel était attaché une oriflamme tricolore sur laquelle était inscrite une adresse de remerciements au 367 pour le secours porté aux aviateurs Reymond et Clamadieu. Le bouquet a été déposé sur la tombe du Cdt Pidaut à Noviant, en souvenir de cet officier et des braves morts pour la patrie. L’oriflamme a été envoyé au dépôt à Toul, caserne Gouvion Saint Cyr pour être conservé à la salle d’honneur. 28 octobre 1914 - Le 5ème bataillon à la Voisogne reçoit quelques obus. Deux soldats de la 20ème compagnie (Boirard et Cherrier) sont ensevelis sous le parapet d’une tranchée effondrée sous la poussée d’un obus. Dégagés aussi rapidement que possible par leurs camarades, ces deux soldats ne purent être ramenés à la vie. Leurs corps furent déposés dans le cimetière de Noviant-aux-Près.

Retour Dr ReymondCitation

reymond emile

Retour Dr ReymondGuerre de 1914-1918. Tableau d'honneur. Morts pour la France

REYMOND (Emile), chirurgien, sénateur de la Loire, commandant observateur en avion.
Dr Emile Reymond
A été, sur. sa demande, au premier jour de la mobilisation, taché du Service de Santé pour être attaché à l'Aviation. Après de nombreux raids il fut tantôt pilote, tantôt observateur, a été blessé mortellement au moment il atterrissait Près de nos lignes au bois de MortmarE, le 21 octobre 1914; a succombé le lendemain à l'hôpital de Toul, après avoir rendu compte de sa mission.

Dernière citation : A exécuté, avec une grande bravoure, de nombreuses reconnaissances aériennes des plus audacieuses; s'est chargé, le 24 octobre, d'une reconnaissance extrêmement pèrilleusE qu'il n'a pu accomplir avec fruit qu'en Descendant au-dessous de nuages très bas, exposé au feu très violent d'infanterie et d'artillerie. A fait preuve, en celte circonstance, d'un véritable héroïsme; obligé d'atterrir à 50mètres des lignes allemandes, devant le bois de Mortmare, a été blessé grièvement, n'a pu être relevé qu'à la nuit, et, malgré son extrême faiblesse, a trouvè l'énergie de faire un compte rendu très précis de sa reconnaissance. Est mort le lendemain des suites de sa blessure.


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