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Un combat de René Mesguich Le « colonel » Mesguich. Le 26 mai 1915 René Mesguich (pilote) et Robert Jacottet (observateur) de l’escadrille MS 12 abattaient l'Albatros type B des Leutnant Gerhard Nette (pilote) et Oberleutnant Von Bülow-Bussow (observateur) de la Flabt 12 près de Braisne.
A plus de 40 ans (Il est né le 26 juillet 1874) René Mesguich est bien entendu le doyen de l’escadrille MS 12 à laquelle il a été affecté. Il y est surnommé le « colonel » bien qu’il ne soit que sergent. « Le plus âgé d'entre nous n'avait pas vingt-sept ans, sauf Mesguich, notre doyen, nettement quadragénaire et surnommé dès le premier jour « le colonel », à cause de ses cheveux gris », ainsi le décrit « Master » Chambe. L’escadrille 12 équipée de Morane-Saulnier Parasol n’est pas n’importe quelle escadrille : elle a été choisie par le commandant De Rose pour être la première escadrille de chasse depuis le 1er mars 1915. Une première victoire a confirmé, enfin, cette distinction le 1er avril. Cet événement a été fêté « dignement » dans un banquet où les « toasts ont succédé aux toasts » En ce mois de mai 1915 l’escadrille a déjà engrangé 5 victoires : deux pour Navarre, une pour Chambe et Pelletier d’Oisy, une pour Jacottet et de Bernis une pour Mesguisch et Ferru. La 6e est retracée sobrement dans le Journal de Marche et des Opérations de la 5e Armée et racontée en détail par Mesguich
Jonchery-sur-Vesle le 28 mai 1915 « Mon Cher Ami, J'ai descendu un nouveau Boche.
Encore de belles émotions! C'est à la fois tragique et horrible! Pourtant je suis toujours là... Ceci se passait entre 6 h 1/2 et 7 heures, le 26 mai au matin. J'étais parti à l'affût avec des intentions homicides et furieux parce qu'un regain d'activité aérienne se manifestait chez ces messieurs d'en face. Depuis la première heure, le téléphone marchait, annonçant des avions ennemis par-ci, par-là. J'étais furieux aussi parce que, seul depuis quelques jours à l'escadrille à cause de quelques départs et vacances momentanés, j'assurais tout le travail; j'étais sur les dents; je ne pouvais plus m'offrir une grasse matinée. Entre 2 600 et 3 000 mètres, je me portai subrepticement, dans le soleil, au-dessus d'un appât que je savais tentateur, une petite ville souvent visée, avec une gare, et je n'attendis pas longtemps pour apercevoir chez nous un petit ventre rebondi qui avait passé pendant que je tournais le dos et qui, avec une assurance tranquille — le pauvre, — se dirigeait vers Château-Thierry et sûrement Paris. Il était beau, il était puissant, il allait vite; il portait des espoirs allemands: bombes énormes, journaux à distribuer aux amateurs, autres ingrédients, et l'observateur Von Bulow, officier de la garde impériale prussienne. A pas de loup, par derrière, comme il est toujours recommandé quand on a affaire aux Allemands, je m'avançai; mais ce fut long, très long, et j'avais bien mis dix à quinze minutes pour le joindre. Le Boche me vit quand j'étais juste au-dessus de lui, à 3 000 mètres, alors que j'allais fondre, que je fondais sur lui. Impossible de te décrire le mouvement de surprise du pilote, se dressant brusquement pour avertir son passager en avant de lui; il contenait de la terreur. Le s..... commença. Tant pis pour lui! Nous étions à plus de 1 000 mètres; il ouvrit le feu; ce n'était pas raisonnable! II tirait bien: pan..... pan, pan..... Un bruit formidable dans le derrière de mon passager, qui sursauta comme si on le lui piquait. Ce n'était rien; la balle était miraculeusementarrêtée par un bout de métal et il n'encaissait qu'un violent coup à la fesse. Mais c'était rigolo, et il n'eut pas le temps de rigoler. D'autres claquements autour de mes oreilles, et vlan! un choc à l'épaule droite; j'en avais: la balle avait traversé le gras des chairs, de la bonne chair qui ne me fit pas de mal, qui laissa aux nerfs leur pleine liberté pour continuer tous les mouvements dont j'avais tant besoin, qui arrosa mon bras d'un sang tiède, et je devins rageur. La danse commença; elle fut infernale — après coup, je m'en rends compte, oh! Combien! — De 3 000 à 2 000 mètres, cela se passa. Je calmai d'abord mon tireur, le sous-lieutenant Jacottet, impatient de faire un carton; je lui amenai ensuite plusieurs fois le gibier à bonne portée, à des distances variant de 10 à 50 mètres. Le s... d'Allemand tirait toujours; la plupart de ses balles portaient bien, puisque nous comptâmes autour de nous huit trous de balles. Jacottet méprisa et fut brutal. Il méprisa, car il ne tira que trois balles; il fut brutal, car il envoya l'une dans la tête du pilote, L’autre dans l'estomac du passager et la troisième dans un organe du moteur.
Et cette autre vision: arrivé à terre, l'Allemand, qui n'avait pas ralenti sa vitesse, s'y écrasait, devenait une petite boule informe, roulait dans la poussière; puis rien, l'immobilité effrayante, lugubre, pendant que j'atterrissais non loin et que j'accourais angoissé.....et joyeux de ma victoire. Et enfin ce spectacle épouvantable: le pilote vidé de l'appareil, à quelques mètres des débris, le haut de la tête sortant seule des vêtements, avec la cervelle jaillie du crâne; le passager au milieu des débris, la tête apparaissant éclairée par le soleil, avec une expression de terreur, recroquevillée en une petite masse, une jambe contre la poitrine, un pied en avant, semblant menacer comme un poing! J'ai réfléchi alors; j'ai eu de la tristesse; j'ai pensé que c'était cela qu'on appelait assassinat autrefois, avant la guerre.....impossible de connaître le nom du pilote. Le passager s'appelait Von Bulow, un grand nom, officier de la garde impériale prussienne…. Si tu savais le succès que cette victoire m'a fait! De toutes parts, on accourt pour me voir, me féliciter. Un vieux comme moi, cela paraît étonner bien des gens! Le G. Q. G. [Grand Quartier Général] m'a décerné la médaille militaire le soir même; le général de l'armée a tenu à ce qu'elle me fût remise dès le lendemain matin; proposé pour le grade d'adjudant, et en même temps sous-lieutenant, qui devra venir très vite après. La médaille m'était due pour l'autre Boche descendu, mais les formalités avaient retardé son arrivée, sans cela on me collait la Légion d'honneur, qui, d'ailleurs, me fut donnée à choisir. J'ai préféré la première. Quant à ma blessure, elle est juste suffisante pour me rendre intéressant, me permettre un repos de quelques jours, et ne m'empêche pas de remuer mon bras et de me promener comme d’habitude… Ton René »[1] Le
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Le commandant De Rose et les siens. De droite à gauche : Ltt Gabriel Pelège (observateur), Ltt Jean Moinier (observateur), MdL René Mesguich (pilote), Sgt Jean Navarre (pilote), Ltt René Chambe (observateur), Slt Ferru (observateur), Ltt Raymond de Bernis (pilote), Adj Georges Pelletier d'Oisy (pilote), Cdt Charles Tricornot de Rose (pilote et commandant de l'aéronautique de la 5e armée) , Adj Pierre Clément (pilote) ,Cne Le Révérend (pilote),Ltt Robert Jacottet (observateur), Ltt Paul Gastin (pilote) |